Rue de la Paye

Surveillance des salariés : droits et limites

Surveillance salariés

De par son pouvoir de direction, l’employeur est en droit de surveiller l’activité de ses salariés pendant leurs horaires de travail. Il doit cependant respecter leurs droits fondamentaux ainsi que leurs libertés individuelles.

En effet, le Code du Travail prévoit que nul ne peut apporter des restrictions à ces droits et ces libertés qui ne seraient être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché.

Voyons ensemble quelles sont les possibilités pour s’assurer du travail des salariés tout en respectant leurs droits et leurs libertés.

Rappel sur le respect de la vie privée des salariés

Selon l’article 9 du Code Civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Celle-ci doit être respectée y compris lorsque le salarié est sur son lieu de travail, et par définition sous la subordination de son employeur.

De ce fait, le salarié a droit au respect de l’intimité de sa vie privée même pendant ses horaires de travail. L’employeur doit donc être particulièrement attentif à ces droits lorsqu’il souhaite :

Information préalable des salariés concernant la surveillance

L’employeur qui souhaite mettre en place un dispositif de surveillance de ses salariés doit impérativement informer ces derniers au préalable. Ce dispositif n’est pas à confondre avec la surveillance d’un salarié par son supérieur hiérarchique sur son lieu de travail (l’information préalable n’étant pas nécessaire, dans ce cas de figure).

La collecte d’information concernant personnellement un salarié ne peut être faite via un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Cette obligation concerne notamment les systèmes de vidéosurveillance, badgeuses, autocommutateurs téléphoniques, et autres dispositifs du genre.

Selon le règlement général sur la protection des données, les salariés doivent être informés de manière individuelle de l’existence de traitement contenant des données personnelles les concernant. Cette information peut se faire par note, affichages obligatoires, publications dans le journal interne, mail, etc…

Sur le plan collectif, la loi prescrit, en plus d’une simple information sur la surveillance des salariés, une véritable procédure de consultation des représentants du personnel.

Le CSE de l’entreprise doit être informé et consulté, préalablement à la décision de mise en place d’un tel dispositif dans l’entreprise, sur les moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. Le Code du Travail prévoit en effet sa consultation en cas d’introduction de nouvelles technologies dans l’entreprise ou d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

A savoir :
L’employeur est en revanche libre de placer sous surveillance les entrepôts et autres locaux de rangement dans lesquels les salariés ne travaillent pas ou n’ont pas accès. Il n’est pas non plus tenu d’informer les salariés ou consulter le CSE dans ce cas particulier. 

Conséquences de l’absence d’information du salarié

Si le salarié n’est pas informé, le dispositif de surveillance est illicite.

Dans une situation de procédure de licenciement pour faute observée du salarié par vidéosurveillance, si la faute est relevée par un dispositif illicite, et même si le salarié reconnaît sa faute, les faits ne pourront pas faire l’objet d’une sanction ou d’un licenciement.

La Cour de cassation questionne toutefois, dans un arrêt datant du 10 novembre, de la recevabilité ou non d’une preuve illicite. La réponse à cette question reste finalement la négative.

Dans ce genre de situation, il revient au juge de s’assurer si l’utilisation de cette preuve illicite porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son intégralité. Pour cela, il doit peser le pour et le contre entre droit de la preuve et le droit au respect de la vie personnelle du salarié. La production d’éléments illicites doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve, tandis que l’atteinte à la vie personnelle doit être strictement proportionnée au but poursuivi.

Déclaration auprès de la CNIL

Dès qu’un traitement automatisé d’informations personnelles est envisagé dans une entreprise, ce dispositif doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la Commission Nationales de l’Informatique et des Libertés (CNIL).

Si les formalités déclaratives ne sont pas remplies, le dispositif de surveillance ou de contrôle sera considéré comme illicite.

La CNIL effectue également des contrôles sur les thématiques qu’elle désigne comme prioritaires. Pour 2022, ces thématiques sont :

Procédés de surveillance des salariés

Les différents procédés de surveillance des salariés sont nombreux. On peut toutefois référencer les plus fréquents, à savoir :

L’employeur est en droit d’accéder au matériel informatique qu’il met à disposition de ses salariés et de consulter les fichiers présents sur l’ordinateur professionnel d’un salarié, à l’exception des documents clairement identifiés comme personnels par le salarié.

L’employeur peut contrôler et limiter l’utilisation d’internet sur le site de l’entreprise (via antivirus, filtrages de sites, etc…) et peut consulter les historiques d’utilisations à des fins professionnelles de ses salariés .  L’utilisation à des fins autres que professionnelles est généralement tolérée, mais doit rester raisonnable et n’affecter ni la sécurité ni la productivité de l’entreprise.

Il est recommandé de fixer des règles de bonne conduite et de contrôle, en collaboration avec les institutions représentatives du personnel et d’intégrer ces règles au règlement intérieur de l’entreprise et de la charte informatique lorsque celle-ci existe.

La question d’accéder ou non aux boîtes mail des salariés se pose très fréquemment. Par définition, les mails des salariés ont un caractère professionnel : l’employeur est donc en droit de les consulter, y compris si le salarié n’est pas présent.

Selon la CNIL, des exigences de sécurité, de prévention ou de contrôle de l’encombrement des réseaux peuvent conduire l’employeur à mettre en place des outils de contrôle de la messagerie. Cet outil de contrôle doit alors être déclaré à la CNIL. Un usage abusif ou illicite de l’outil peut donc être sanctionné.

Le développement du télétravail a conduit à la mise en place d’outils permettant aux employeur de suivre les tâches et activités de leurs salariés.

Certains principes ne doivent cependant pas être oubliés : il ne peut pas être apporté aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Si l’employeur souhaite mettre en place un dispositif de surveillance ou s’il est déjà actif, celui-ci doit être proportionné à l’objectif poursuivi et ne pas porter atteinte au respect des droits et libertés, en particulier au respect de la vie privée. L’employeur doit également informer ses salariés et consulter son CSE avant la mise en œuvre d’un tel dispositif.

L’employeur peut consulter les SMS reçus sur le téléphone portable professionnel d’un salarié dès lors qu’ils ne sont pas clairement identifiés comme personnels par ce dernier.

Les documents de travail ont par définition un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme personnels. L’employeur a donc accès uniquement aux documents professionnels sans qu’il soit nécessaire que le salarié soit présent.

Tous les fichiers et dossiers dénommés par des termes comme « personnel », « perso » ou « privé » ne peuvent alors pas être consultés sans la présence du salarié, sauf dans une situation d’urgence. Ne sont pas considérés comme personnels les fichiers contenus dans des dossiers tels que « Mes documents », les dossiers portant le nom du salarié ou dénommés « confidentiel ».

Il peut être possible de pratiquer une fouille des salariés. Elle doit cependant être justifiée et proportionnée au but recherché : elle peut être faite pour des raisons de sécurité ou pour rechercher des objets volés par exemple.

Dans ce deuxième cas de figure, la fouille liée à la recherche à cause d’un vol relève normalement de la police judiciaire. L’employeur peut toutefois organiser une fouille des sacs des salariés dans un contexte de vols répétés et rapprochés d’objets ou de matériels appartenant à l’entreprise.

Il est vivement conseillé, pour éviter tout contestation, de recueillir l’accord des salariés en présence d’autres salariés. Pour effectuer une fouille, l’employeur devra donc :

Le règlement intérieur peut aussi prévoir l’éventualité d’une ouverture de sacs des salariés pour rechercher des objets volés s’il stipule explicitement :

Vidéosurveillance et conformité au RGPD

Les employeurs peuvent également décider d’installer des caméras dans leurs locaux pour assurer la sécurité des biens et des salariés. La période de tolérance de la CNIL à l’égard de l’application du RGPD ( Règlement Général sur la Protection des Données) étant terminée, ils doivent cependant s’assurer de la conformité des systèmes de vidéosurveillance utilisés. En plus de l’obligation d’information des salariés sur la mise en place de la vidéosurveillance, il faut bien respecter certaines règles concernant notamment :

Sanctions encourues en cas d’abus

En cas d’abus ou de méthodes illicites de surveillances des salariés, l’employeur s’expose à des sanctions. Le fait, au moyen d’un procédé quelconque, de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autre est puni d’un an d’emprisonnement et des 45 000€ d’amende. Ce délit se commet :

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Les preuves obtenues par un procédé de contrôle illicite, parce que non respectueux du principe de proportionnalité et des règles relatives aux données personnelles, ou encore attentatoire à la vie privée des salariés, ne sont pas valables.

De même, un licenciement disciplinaire justifié par des faits dont la preuve est illégalement apportée est considéré comme sans cause réelle ni sérieuse. Outre les indemnités que le salarié devra percevoir, celui-ci pourra également obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, du fait notamment de l’atteinte à sa vie privée.