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L’inaptitude professionnelle du salarié : tout ce qu’il faut savoir

15 février 2023 par Izabela Sula Gonzalez - Lecture 7 min.
inaptitude professionnelle

Après son retour de congés maladie, un salarié peut être déclaré inapte à reprendre son poste par la médecine du travail. En tant qu’employeur, vous êtes soumis à une obligation de reclassement du salarié à un autre poste au sein de l’entreprise ou du groupe. A défaut de poste disponible ou en cas de refus du reclassement par le salarié, il est possible de procéder à un licenciement. Passons en revue tous les aspects à connaitre sur l’inaptitude professionnelle du salarié.

Procédure de déclaration d’inaptitude professionnelle

Il n’existe pas d’inaptitude globale au travail. L‘inaptitude est circonscrite à un poste ou à certaines tâches. Elle ne peut être constatée que par le médecin du travail lors d’une visite de reprise du travail.

Deux visites médicales sont normalement nécessaires. Le médecin du travail doit formuler des conclusions écrites sur :

  • L’inaptitude physique du salarié ;
  • Les mesures de reclassement dans l’entreprise.

Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu’après avoir réalisé :

  • Une étude de ce poste ;
  • Une étude des conditions de travail dans l’entreprise.

Consulter l’avis du CSE sur l’inaptitude du salarié

Que l’inaptitude du salarié soit d’origine professionnelle ou non, l’employeur est obligé de consulter le Comité Social et Économique (CSE) de l’entreprise avant de proposer un poste de reclassement au salarié.

La consultation du CSE permet à l’employeur de prouver son intention de reclasser le salarié. Il obtiendra également l’avis du CSE sur les postes disponibles en adéquation avec le précédent poste du salarié déclaré inapte.

L’absence de consultation du CSE, ou une consultation irrégulière rendra l’éventuel licenciement pour inaptitude sans cause réelle ni sérieuse.

L’obligation de reclassement du salarié

L’employeur est tenu de faire des propositions de reclassement sauf si l’inaptitude est totale, d’origine professionnelle et qu’elle couvre l’ensemble de l’entreprise et du groupe sur le territoire français (Loi Rebsamen sur le Dialogue social du 17 août 2015, publiée au JO le 18 août 2015 et rectifiée par la l’ordonnance du 23 septembre 2017, JO du 24). Elles ne peuvent être soumises au salarié qu’après le dernier avis d’inaptitude.

Avant de présenter au salarié des propositions de reclassement, l’employeur doit tout d’abord consulter le CSE de l’entreprise. Il doit fournir aux élus toutes les informations nécessaires sur l’état de santé du salarié  et la recherche de reclassement pour permettre l’émission d’un avis en connaissance de cause. Cet avis reste cependant uniquement consultatif.

La consultation doit se faire :

  • Après le constat de l’inaptitude par le médecin du travail ;
  • Avant la proposition de reclassement présentée au salarié inapte.

Selon le code du travail, « l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ».

L’étendue de l’obligation de reclassement couvre l’ensemble des postes du groupe auquel l’entreprise appartient, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent à l’employeur d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Si l’unique poste de remplacement disponible implique une modification du contrat de travail, l’employeur doit en faire la proposition au salarié, qui est en droit de refuser, même si cette modification est imposée par les conclusions du médecin du travail.

En cas d’inaptitude non professionnelle, le salarié n’est pas rémunéré, durant le délai nécessaire aux  recherches de reclassement, à moins qu’il ne soit prouvé une faute de l’employeur.

A savoir :
Par exception, l’employeur n’a pas à rechercher de reclassement si le médecin du travail a expressément indiqué que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. 

Refus du reclassement

Le salarié déclaré inapte à son poste est en droit de refuser le poste de reclassement proposé. Il appartient à l’employeur de tirer les conséquences de ce refus, soit en formulant de nouvelles propositions, soit en procédant au licenciement du salarié au motif de l’impossibilité de reclassement.
Le refus est justifié si motivé par l’inadaptation du poste aux conclusions du médecin du travail. Chaque proposition d’emploi doit faire l’objet d’une consultation du médecin du travail.

Même en cas de refus justifié, l’employeur peut licencier le salarié au motif de l’inaptitude et de l’impossibilité de reclassement. Il faut que l’employeur puisse justifier qu’il ne dispose d’aucun autre poste compatible avec l’inaptitude du salarié.

Le licenciement pour inaptitude

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions (L1226-12).

S’il décide le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel (l’article L1226-12 prévu pour l’inaptitude professionnelle est applicable, implicitement, à l’inaptitude non professionnelle) :

  • Envoi de la convocation : par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge;
  • Un entretien préalable à éventuel licenciement : il ne peut pas avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la réception de la lettre recommandée (ou la remise en main propre);
  • Une lettre de licenciement : la lettre de licenciement doit être suffisamment motivée (comme toute lettre de licenciement, elle fixe les termes du litige), à savoir : l’inaptitude du salarié ET l’impossibilité de reclassement. La seule mention de l’inaptitude du salarié ne suffit pas. La lettre ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable;
  • Un préavis indemnisé ou non.

Il n’y a pas de délai à respecter entre l’envoie du courrier pour informer le salarié de l’impossibilité de reclassement et l’envoi de la lettre pour convocation à un entretien.

Un mois après la visite de reprise du travail (il s’agit de la deuxième visite médicale d’inaptitude ou de la seule en cas de danger immédiat), si le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. La procédure de licenciement doit donc être entamée durant cette période et avant la fin du mois.

Les erreurs à éviter en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle

Afin que la procédure de licenciement se déroule convenablement, il est important d’éviter de commettre certaines erreurs qui pourraient faire l’objet d’un contentieux devant le Conseil des Prud’hommes.

Ne pas organiser la visite de reprise : 

Certains arrêts de travail justifient l’organisation d’une visite de reprise, notamment à la suite :

  • D’un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnels d’au moins 30 jours ;
  • A l’issue d’un congé maternité ;
  • A l’issue d’un arrêt pour accident du travail d’au moins 30 jours ou maladie professionnelle peut importe la durée de l’arrêt.

La visite doit être organisée le jour de la reprise effective du travail et au plus tard dans un délai de 8 jours suivant cette reprise. Si ce délai n’est pas respecté, il en résulte un préjudice.

Ne pas reprendre le versement du salaire : 

Lorsque le salarié est déclaré inapte, l’employeur devra tenter de le reclasser, ou le licencier si le reclassement est impossible. Si aucune de ces procédures n’a lieu dans un délai d’un mois à compter de la visite de reprise, l’employeur devra reprendre le paiement du salaire.

Ne pas chercher à reclasser le salarié : 

Lorsque le médecin du travail prononce l’inaptitude du salarié à reprendre l’emploi qu’il occupait, son employeur est dans l’obligation de lui proposer un autre poste approprié à ses capacités. Ce reclassement n’est pas obligatoire si l’avis du médecin précise que l’état de santé du salarié l’empêche d’occuper un nouveau poste.

Si l’employeur ne cherche pas à reclasser le salarié et le licencie pour inaptitude, le licenciement sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse.

Ne pas consulter le CSE avant reclassement : 

Quand le salarié doit être reclassé, l’employeur doit obligatoirement consulter le CSE. Celui-ci permettra :

  • D’attester le sérieux de la démarche de reclassement ;
  • De donner un avis sur les postes proposés et l’adéquation de ceux-ci avec les préconisations du médecin du travail.

Une absence de consultation ou une consultation irrégulière du CSE rendra le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ne pas justifier l’impossibilité de reclassement : 

En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur doit informer le salarié par écrit en indiquant les motifs valables qui s’opposent au reclassement. L’absence de notification écrite de ces motifs constitue une irrégularité de forme qui donnera droit à une indemnité pour le salarié.

Prononcer un licenciement suite à l’avis d’inaptitude du médecin traitant : 

Seul le médecin du travail à le pouvoir de constater l’inaptitude du salarié. L’employeur ne peut donc pas s’appuyer sur un certificat médical établi par un médecin traitant pour licencier un salarié sans avoir sollicité l’avis du médecin du travail.

Sans reconnaissance préalable de l’inaptitude du salarié par le médecin du travail, le licenciement prononcé pour inaptitude est nul.

Faire prévaloir une faute à postériori de l’inaptitude : 

Dès lors qu’un salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur est tenu de se conformer à la procédure de licenciement pour inaptitude et de procéder, si le reclassement s’avère impossible, à un licenciement pour inaptitude.

La Cour de Cassation stipule que lorsqu’un salarié est déclaré par le médecin du travail comme inapte à occuper tout poste dans l’entreprise à la suite d’un arrêt de travail, les règles d’ordre public relatives au licenciement du salarié inapte s’appliquent, excluant le fait que le salarié puisse faire l’objet d’un licenciement pour faute postérieurement à l’avis d’inaptitude. Ainsi, l’employeur ne saurait faire prévaloir, postérieurement à l’avis d’inaptitude, un motif disciplinaire de licenciement.

Ne pas respecter la procédure spécifique aux salariés protégés : 

Un licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé obéit à un régime juridique spécifique. L’employeur doit consulter le CSE pour qu’il donne son avis sur le licenciement du salarié protégé.

L’employeur doit également obtenir l’autorisation de l’inspection du travail. Lorsqu’il n’existe pas de CSE dans l’entreprise, l’employeur saisit directement l’inspecteur du travail.

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Obligation de reprise du versement du salaire

Lorsque le médecin du travail déclare un salarié inapte, il a constaté qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’a pu être réalisée.

A compter de la déclaration de l’inaptitude du salarié, celui-ci ne peut plus occuper son poste. Par conséquent, il ne fournit plus de prestation de travail, et l’employeur n’a plus à le rémunérer.

Afin d’éviter que le salarié ne reste pas sans rémunération, une obligation de reprise du salaire a été instituée par le Code du Travail : l’employeur doit reverser l’ensemble de la rémunération au salarié inapte à l’issue d’un délai d’un mois (partie variables, 13ème mois, heures supplémentaires et autre variables inclus).

A savoir :
Le délai d’un mois court à compter de la déclaration d’inaptitude. Le médecin du travail peut toutefois effectuer un second examen dans un délai de 15 jours s’il en estime la nécessité. Le délai d’un mois courra alors à compter du second examen. 

Ce versement perdure jusqu’au reclassement du salarié ou à la rupture de son contrat de travail. Si un de ces évènements intervient au cours du délai d’un mois, l’employeur n’aura pas à reprendre le versement du salaire.

 

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