Paie pratique

Externalisation paie : la conduite du changement est elle necessaire ?

10 décembre 2013 par Xavier THÉOLEYRE - Lecture 5 min.
Ronan Guellec

Dans les entreprises et les cabinets d’expertise comptables d’une certaine taille, l’externalisation de la paie implique de nombreux collaborateurs et constitue une opération structurante. Par exemple, lors d’un changement de direction ou un rachat, elle peut être un premier acte positif du dirigeant pour impulser une nouvelle dynamique en soulageant les RH ou le pôle social de tâches complexes et rébarbatives. Pour garantir la réussite du projet il est nécessaire de l’accompagner efficacement. Ronan Guellec, et Xavier Theoleyre échangent sur ce sujet.

Interview croisée de Ronan GUELLEC par Xavier THEOLEYRE

Ronan GUELLEC est consultant expert en stratégie de transformation, conduite du changement et valorisation du capital humain. Il accompagne depuis plus de 10 ans les dirigeants d’organisations et leurs équipes.

Xavier THEOLEYRE est responsable marketing et relation client chez Rue de la Paye depuis un an. Il est en charge d’animer ce blog et de porter la parole des clients au sein de l’entreprise.

R.G. : Nous discutons aujourd’hui de l’accompagnement du changement lors de la mise en place d’une solution d’externalisation de la paye pour une PME ou un important cabinet d’expertise comptable. Mais quel est l’objectif de cette sous-traitance ?

X.T. : La paye française est complexe et les règles qui la régissent sont l’un des terrains favoris du législateur. L’objectif premier de l’externalisation de la paye est de simplifier la gestion pour les entreprises et les experts-comptables. Confier la paye à un spécialiste permet de réduire les risques d’erreur et permet de faire supporter la veille réglementaire par le sous-traitant.

L’externalisation permet aussi de variabiliser les coûts en fonction du nombre de salariés. C’est en effet sur cette base que facturent les sociétés spécialisées. Le prix au salarié comprend outres les bulletins de salaire, les déclarations sociales, les documents d’entrées et sorties et les écritures comptables.

Un bon gestionnaire de paye est une ressource rare. Le départ du responsable paye entraîne souvent de la désorganisation. Le bulletin de salaire étant l’un des éléments de cohésion entre l’employé et l’entreprise. Sa non-délivrance en temps et en heure peut être fortement préjudiciable à la paix sociale. En choisissant l’externalisation, le dirigeant est sûr d’avoir ces documents au moment voulu.

X.T. : Conduire le changement lorsque l’on externalise la paye, est-ce bien nécessaire ?

R.G. : Oui. L’externalisation de la paye implique pour l’entreprise une transformation en profondeur de de l’organisation de la fonction paye et de la filière métier. Elle touche aussi à sa « culture ». Elle modifie ce en quoi les collaborateurs « croyaient » jusqu’à présent en termes de pratiques professionnelles. Cela peut générer des inquiétudes et des blocages.

Conduire le changement, c’est permettre à chacun de comprendre le sens du projet, d’identifier les « signaux faibles » collectifs et individuels, souvent implicites. Détectés et traités suffisamment en amont, ils permettront le déploiement du projet en accélérant son retour sur investissement.

Je ne connais pas de chef d’entreprise qui ne soit pas soucieux d’obtenir l’adhésion des collaborateurs à sa « vision ». Il a l’intuition qu’il y a des résistances mais il ne sait pas trop par quel bout prendre le sujet. Qui est favorable au projet et pourquoi ? À l’inverse, qui s’y oppose, et pour quels motifs ? Il n’y a que de bonnes raisons d’être a priori ouvert ou réticent au changement. L’enjeu, c’est de les identifier pour mettre en place ou rétablir un « contrat de confiance » durable vis-à-vis du projet.

R.G. : Concrètement, une fois prise la décision d’externaliser, comment se déroule le projet ?

X.T. : Coté Rue de la Paye, la démarche est simple. Une fois la décision prise par le chef d’entreprise, nous nous chargeons de collecter les informations nécessaires, c’est-à-dire les bulletins de salaire, les déclarations sociales et les contrats de travail. Il nous arrive souvent de nous rendre sur site pour recueillir les éléments informels et les spécificités de chaque dossier auprès de la personne qui en avait précédemment la charge.

Ces documents sont analysés. Un de nos spécialistes présente un rapport à notre client pour lister les éventuelles erreurs et décider ensemble des actions correctives. Notre équipe montage paramètre l’interface en conséquence et édite un premier jeu de fiches de paye test.

Nous formons ensuite les équipes en charge de la saisie des variables de paye à l’utilisation de notre outil. Nous le faisons sur site mais sa simplicité nous autorise également à le faire par téléphone.

Nos clients bénéficient de l’expérience de nos gestionnaires de paye qui sont à leur écoute et joignable à tout moment par email ou par téléphone. Nous assurons un suivi particulièrement intensif pendant les trois premiers mois de prestation pour garantir la qualité de la transition.

X.T. : Coté client, la conduite du changement peut paraître déconnectée du quotidien des opérationnels. Concrètement, comment fait-on ?

R.G. : En premier lieu, il est important de définir avec le dirigeant, en fonction de sa lecture de la situation, quels sont les objectifs prioritaires, de court terme, à atteindre grâce au processus d’externalisation : les modes adaptés de conduite du changement en découlent.

Le dirigeant a besoin d’aller vite, l’organisation et les collaborateurs doivent s’adapter. Le projet est une opportunité unique de mettre en place une organisation, des processus et des modes opératoires agiles et alignés. C’est le moment de travailler avec les opérationnels et de les impliquer dans la construction de la nouvelle organisation et des nouveaux processus.

Il convient aussi d’instituer une gouvernance efficiente du projet. Par exemple, en désignant un relai au sein de l’équipe dirigeante, assisté d’un chef de projet qui assure les rôles clés de la démarche (pilotage, animation, formation, communication…). Le chef de projet s’appuiera lui-même sur des référents métiers, acteurs du projet, mobilisés pendant la durée du processus d’externalisation au sein d’une équipe ad hoc. Le rôle du management est alors essentiel pour gérer l’environnement sous contrainte qui en résulte, entre les urgences du quotidien traitées à effectif constant, et les exigences à court terme du projet.

Le choix des personnes conditionne la réussite du projet. L’équipe ad hoc à vocation à s’effacer une fois le processus en phase de routine. La nouvelle organisation aura tout intérêt à capitaliser non seulement sur les acteurs, mais aussi sur les méthodes et les bonnes pratiques du projet qui ont des incidences positives sur les modes de fonctionnement de l’entreprise : transversaux, connectés, ouverts à l’innovation…. Et donc, sur le quotidien des opérationnels.

X.T. : Finalement, quels sont les bénéfices réels de la conduite du changement ? La valeur créée est-elle à la hauteur de l’investissement supporté ?

R.G. : Côté « hommes », un projet compris, accepté et porté par les équipes stimule les énergies et crée les synergies nécessaires. Il constitue un puissant levier d’adhésion à la vision stratégique du dirigeant, d’amélioration du climat social interne et de performance de l’entreprise. Au préalable, il faut qu’ait eu lieu la « bascule » décisive entre changement subi et changement choisi. C’est là tout l’intérêt de faire appel à un « facilitateur » externe.

Côté « chiffres », il convient de comparer le temps passé sur le projet par des opérationnels dédiés et impliqués, valorisé en ETP, aux coûts cachés d’un déficit d’appropriation de la nouvelle organisation  par le « corps social » interne : absentéisme, réunionnite, formations non prévues, évolutions fonctionnelles additives, turn-over, baisse de performance… Les gains économiques escomptés de l’externalisation s’en trouvent réduits même s’il n’y a pas de traduction immédiate dans le bas de bilan.

R.G. : Je vous retourne la question. Quels sont les bénéfices apportés par l’externalisation de la paye ?

X.T. : Il n’est pas rare de constater que l’externalisation génère une baisse de plus de 20% des coûts de gestion de la paye. En effet, au-delà du salaire des gestionnaires il faut par exemple prendre en compte les frais de logiciel, de formation et de veille réglementaire.

La non qualité a aussi un coût. Nous identifions des erreurs plus ou moins bénignes dans 80% des entreprises que nous auditons avant l’externalisation.

La paye est souvent jugée rébarbative par le personnel RH. Le dégager de ces tâches permet de le redéployer sur des missions plus valorisante et à plus forte valeur. C’est un élément de politique sociale qui ne doit pas être négligé dans la réflexion du chef d’entreprise avant de lancer le projet.

R.G. : En définitive, l’externalisation de la paye confirme l’adage bien connu de Francis Blanche : « Dans un monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ».

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